Paul Delaroche
Paris, 1797 – 1856
Le Petit mendiant ou La Famille italienne, vers 1841
Huile sur toile
43 x 36,5 cm
Cachet du marchand de toiles Haro au verso
Étiquettes anciennes au verso : Paul Delaroche / Le Petit mendiant / Étude pour un tableau actuellement perdu (reproduit par Goddé)
Provenance
Atelier de l’artiste
Philippe Delaroche-Vernet (1841-1882), fils de l’artiste
Horace Delaroche-Vernet (1866-1931), son fils
Paul Delaroche-Vernet (1895- ?), son fils
Claude Delaroche-Vernet (1921-2007), son fils
Par descendance, collection particulière
Exposition
Sous la direction de C. Allemand-Cosneau et I. Julia, Paul Delaroche : un peintre dans l’Histoire, Nantes, Musée des Beaux-Arts, Montpellier, Pavillon du Musée Fabre, 1999-2000, Paris, Réunion des musées nationaux, 1999, p. 312, n°63, repr. p.132.
Élève de Watelet, puis de Gros, Delaroche débute au Salon de 1822 avec Joas sauvé par Josabeth (Troyes, musée des Beaux-Arts), qui lui vaut les compliments de Géricault. Sa notoriété s’accroît avec ses envois successifs au Salon : La Mort d’Élisabeth d’Angleterre, Salon de 1827 (Paris, musée du Louvre) ; Les Enfants d’Édouard, Salon de 1831 (Paris, musée du Louvre) ; Le Supplice de Jane Grey, Salon de 1834 (Londres, National Gallery) ; L’Assassinat du duc de Guise, Salon de 1835 (Chantilly, musée Condé). À la même époque, Delaroche se consacre à de grandes décorations - dont l’emblématique Hémicycle de l’École des Beaux-Arts - et à de nombreux portraits, parmi lesquels celui du comte James de Pourtalès-Gorgier (1846, Paris, musée du Louvre). Professeur à l’École des Beaux-Arts à l’âge de trente-quatre ans (1831), élu à l’Institut de France (Académie des Beaux-Arts) en 1835, Delaroche connaît une renommée égale à celle de Delacroix, son exact contemporain. Il meurt néanmoins jeune, en 1856. Par le choix de ses sujets et leur traitement, Paul Delaroche illustre parfaitement l’esthétique romantique : comme Victor Hugo, Gaetano Donizetti et surtout Alexandre Dumas, il met en scène d’émouvants drames historiques. Reconstituant patiemment l’histoire, il charge ses images de passions extrêmes, le particulier et l’anecdote prenant une valeur universelle. La puissance et la célébrité des images que Delaroche a créées firent que l’Europe entière vécut pendant plus de quarante ans à l’ombre de son esthétique.
En 1835, le mariage de Paul Delaroche avec Louise Vernet, fille unique du peintre Horace Vernet, transforme sa vie. La jeune femme devient rapidement mère de deux garçons, Horace, né en 1836, et Philippe, né en 1841, avant de mourir prématurément en 1845. En 1838, Delaroche rend visite à son beau-père, alors directeur de l’Académie de France à Rome. Cette première expérience italienne change son regard et l’artiste délaisse alors les grands tableaux d’histoire qui avaient fait sa notoriété pour se consacrer essentiellement à des « scènes de famille », compositions idéalisées inspirées par la Renaissance italienne, où l’on reconnaît les traits de ses proches. Ainsi de la Sainte Cécile (Londres, Victoria and Albert Museum), présentée au Salon de 1837, où l’ange Gabriel prend les traits de sa jeune épouse, traits repris, avec ceux de ses deux fils, dans L’Enfance de Pic de la Mirandole en 1842 (Nantes, musée des Beaux-Arts) ou dans la Scène familiale ou Leçon de lecture à la Renaissance, peinte en 1845 (Nantes, musée des Beaux-Arts). C’est durant cette période que Delaroche réalise également une peinture en tondo, Le Petit mendiant (huile sur toile, 109 x 109 cm, non localisée mais connue par une photographie ancienne)[1], dont notre œuvre constitue l’esquisse.
On reconnaît ici la famille de l’artiste : son épouse, Louise, et leurs deux enfants, Horace, qui incarne la figure du Petit mendiant avec sa sébile, et Philippe, né en 1841, dans les bras de sa mère. Par son sujet, inspiré des scènes vues à Rome en 1838, cette peinture se rapproche des Pèlerins à Rome, datée de 1842 (PoznaÅ, National Museum). Par son format et son agencement, elle est également à mettre en rapport avec Les Joies d’une mère, 1843 (Luxembourg, Villa Vauban, Fondation J.-P. Pescatore). Dans ces deux œuvres en tondo, Delaroche se plaît à jouer avec le motif raphaélesque de la Sainte Famille, notamment avec la Vierge à la Chaise conservée au Palazzo Pitti de Florence. Comme toujours, l’artiste montre un sens très sûr de la tension dramatique : le spectateur est directement confronté au regard du jeune mendiant et le temps semble suspendu. La candeur et la pose, pleines de naturel, des personnages confèrent à ce tableau une intimité et une grâce touchantes, rappelant combien Paul Delaroche a aimé peindre sa famille.


