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Giovanni Paolo Panini

Plaisance, 1691 – Rome, 1765

 

Audience publique du 4 avril 1756 au Quirinal pour la réception d’Etienne-François, duc de Choiseul, comme ambassadeur de France auprès du pape Benoît XIV

 

Pinceau et lavis d’encre de Chine

205 x 322 mm

 

 

Chaînon capital entre Gaspard Vanvitelli, inventeur du genre de la vue urbaine et Hubert Robert, Giovanni Paolo Panini domine sans partage le marché de la veduta à Rome dans le second quart du XVIIIe siècle. Né à Plaisance, il abandonne bien vite la carrière cléricale à laquelle on le destinait pour la peinture. Il étude auprès des grands peintres de perspective établis dans sa cité natale que sont Ferdinando Galli Bibiena et Giovanni Battista Galluzzo, avant de se rendre à Rome en 1711. Là il se forme à la peinture d’histoire auprès de Benedetto Lutti, dans l’académie duquel il étudie en 1717-1718. Durant les années qui suivent, Panini se voit confier la décoration de palais, tels le palais Patrizzi ou celui du Quirinal. Mais ce sont ses tableaux de chevalet, vues imaginaires de Rome, qui lui assurent le succès. Ses compétences sont suffisamment estimées pour qu’il soit reçu membre de la Congregazione dei Virtuosi al Pantheon (académie pontificale des arts et lettres) en 1718, puis à l’Accademia di San Luca l’année suivante. Son amitié avec Nicolas Vleughels, directeur de l’Académie de France à Rome à partir de 1724 et plus tard son beau-frère, donne une impulsion décisive à sa carrière en l’introduisant auprès de l’ambassade de France dont il devient le peintre attitré. Reçu membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1732, honneur rarement accordé à un artiste étranger, il dirige la classe de perspective de l’Académie de France. De fait, si ses peintures rayonneront dans toute l’Europe, c’est sur les peintres d’architecture et les paysagistes français que son influence sera la plus grande.

 

Particulièrement célèbre pour ses vedute de paysages, très appréciées par les aristocrates européens venant en Italie pour faire le Grand Tour, Panini excellait également dans les quadri di ceremonia, des tableaux immortalisant des événements contemporains et des célébrations festives, qui révèlent à merveille ses talents d’observateur de la vie contemporaine romaine. Parmi ceux-ci on compte La Réception de Charles III de Bourbon par Benoît XIV au Quirinal (Naples, musée de Capodimonte) et La Consécration du cardinal Giuseppe Pozzobonelli à San Carlo al Corso (Côme, Museo Civico). Très lié au milieu français de Rome, Panini deviendra en quelque sorte le peintre officiel de l’ambassade de France pour la représentation des fêtes données par les ambassadeurs. C’est ainsi qu’il peint pour le cardinal Melchior de Polignac Les Préparatifs du feu d’artifice de la place Navone donné à l’occasion de la naissance du Dauphin et Le Cardinal de Polignac visitant Saint Pierre de Rome en 1729-1730 et pour le cardinal de La Rochefoucauld La Fête musicale donnée au théâtre Argentina en 1747 (tous trois sont conservés au musée du Louvre).

 

En 1753, Etienne-François, comte de Stainville et futur duc de Choiseul (1719-1785), est nommé ambassadeur à Rome. Après une brillante carrière militaire, Choiseul se lance dans la diplomatie. Son succès à Rome, notamment dans les négociations concernant les troubles provoqués par la résistance janséniste à la bulle papale Unigenitus, le conduira à l’ambassade de Vienne. L’appui de la marquise de Pompadour lui permettra ensuite d’être nommé secrétaire d’État aux affaires étrangères puis secrétaire d’État à la Guerre et à la Marine, devenant de fait le principal ministre de Louis XV entre 1758 et 1770. Panini sera très apprécié du duc de Choiseul durant son ambassade romaine et il peint notamment pour lui les fameuses Galerie de vues de la Rome antique et Galerie de vues de la Rome moderne (première version en 1754, Stuttgart, Staatgalerie et Boston, Boston Atheneum ; deuxième version en 1757, New York, Metropolitan Museum of Art).

 

Si Choiseul est en poste à Rome dès 1753, son entrée officielle par un cortège partant de la place du Peuple pour aller à la basilique Saint-Pierre ne se fera que le 28 mars 1756, cette cérémonie étant longuement décrite dans le Diario Ordinario du 3 avril 1756 (n°6042 et 6045)[1]. Reprenant la tradition des quadri di ceremonia, l’ambassadeur commande alors à Panini deux œuvres de grand format pour célébrer cet événement, Le Cortège de l’Ambassadeur de France auprès du Saint-Siège sortant de la place Saint-Pierre (Berlin, Gemäldegalerie) et Intérieur de Saint-Pierre à l’occasion de la visite du duc de Choiseul (Boston, Boston Atheneum). Mais la réception officielle de l’ambassadeur par le pape Benoît XIV ne se fera que quelques jours plus tard, avec son audience publique au Quirinal le 4 avril 1756 (également décrit dans le Diario Ordinario, n°6045 du 10 avril 1756).

 

Notre dessin représente cette dernière scène : vers la gauche, trois personnages sont assis : sur une estrade et sous un dais, le pape Benoît XIV Lambertini avec à son côté, en bas de l’estrade, son secrétaire d’État, le cardinal Silvio Valenti Gonzaga ; sur la droite, le duc de Choiseul portant le cordon de l’ordre du Saint-Esprit. Ils sont entourés de nombreux prélats, hommes de cour et gardes suisses. Sur la droite, un groupe de musiciens s’apprêtent à donner un concert. La scène se passe dans une des salles d’audience du palais du Quirinal, alors siège du pouvoir temporel du pape. Il pourrait s’agir de la sala degli Specchi, salon des miroirs, dont on peut voir deux exemples dans le fond. Notre dessin est probablement une première idée pour un projet de tableau commandé par Choiseul à Panini pour illustrer cette journée du 4 avril et destiné à servir de complément aux deux premières œuvres sur la journée du 28 mars.

 

Doué d’un talent exceptionnel de scénographe, Panini confére toujours à ses quadri di ceremonia un sens grandiose de l’espace que l’on retrouve ici. L’effet monumental de l’architecture contraste ainsi avec la verve déployée dans la description des figurines qui peuplent la scène. Une étude de personnage à la pierre noire conservée au British Museum[2] prépare le deuxième prélat en partant de la gauche : elle démontre le soin apporté par l’artiste à la construction de cette scène de cérémonie. Si, pour une raison inconnue, le tableau définitif préparé par notre dessin ne fut jamais peint, cette émouvante feuille nous permet de plonger dans les fastes de la Rome papale.

 


[1]http://scaffalidigitali.casanatense.it/identifier/RML0027797.

[2] Carnet de dessins de Panini, 1858,0626.655, folio 118.



 
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