Pietro Faccini
Bologne, vers 1575 – 1602
Étude d’homme couché de dos, le bras et la tête appuyés sur une pierre, vers 1590
Pierre noire sur papier beige
237 x 406 mm
Annoté en bas à gauche : Di Sebastiano Ricci
Au verso, Étude d’homme assis de profil, les bras levés vers le haut, pierre noire
Œuvre en rapport
Étude préparatoire pour Le Martyre de sainte Catherine (Stuttgart, Staatsgalerie)
Parmi les génies morts trop jeunes, Pietro Faccini occupe une place de choix. Entré encore enfant dans l’atelier des Carracci vers 1583-1584, il est vraisemblablement présent auprès des trois cousins lorsqu’ils entreprirent les fresques de la salle de Jason au Palazzo Fava, terminées en 1584. Dès ce moment, tout en continuant ses études, le jeune Pietro se livre à des exercices indépendants : l’un de ses tableaux les plus importants, Le Martyre de saint Laurent de San Giovanni in Monte, est daté avec certitude de 1590. Mais sa précocité et ses dons semblent avoir suscité une certaine jalousie de la part d’Annibale qui s’est rendu compte de la persévérance et des qualités du jeune homme. L’artiste a probablement déjà rompu en 1590 avec les Carracci et créé sa propre académie concurrente. A cette époque, il a sans doute voyagé à Venise, l’influence du Tintoret étant évidente dans certaines de ses œuvres ultérieures. Au cours de sa brève carrière, remarquablement productive en dépit de ses fréquentes maladies, Faccini a essentiellement travaillé pour des ordres religieux et des amateurs. Tenu en haute estime par ses contemporains, il fut élu aux côtés de Guido Reni et Francesco Albani comme l’un des quinze consiglieri de la Compagnia dei Pittori à Bologne en 1599. Bien que fortement influencé par Annibale et Ludovico Carracci, Faccini a développé un style assez particulier et, contrairement à eux, n’a eu que peu de disciples évidents.
Dessinateur accompli et polyvalent, Faccini travaille selon des diverses techniques, la plume et encre brune, lavis à la sanguine, pierre noire ou aquarelle. Ses dessins étaient particulièrement appréciés des collectionneurs et le cardinal Leopoldo de Médicis, mais aussi le Guerchin, auraient possédé des feuilles de l’artiste. Carlo Cesare Malvasia, le biographe de l’artiste, fait un éloge particulier des dessins de nus masculins de Faccini, qui, selon lui, ont souvent été confondus avec ceux d’Annibale Carracci : « tanto disegno dal nudo […], alle volte cosi strepitosi, cosi guizzanti, svolazzanti, e quel ch’e piu, cosi facili e franchi, che sembrano del suo maestro [c'est-à-dire Annibale Carracci], come per di sua mano molti tutto il di si vendono »[1].
Notre dessin, inédit, est une étude pour Le Martyre de sainte Catherine, aujourd’hui conservé à la Staatsgalerie de Stuttgart (fig. 1) et daté vers 1595-1598 par E. Negro et N. Rioi[2]. Si l’attitude du personnage au premier plan est la même que dans notre dessin, on peut cependant noter de petites différences dans le point de vue ou dans la disposition des mains. Il est donc probable que notre dessin soit une étude réalisée en atelier, réutilisée pout la peinture de Stuttgart. Très inspiré par l’art d’Annibale Carracci, notre dessin devrait donc pouvoir être daté d’un peu plus tôt que la peinture, autour de 1590, soit juste avant ou juste après le départ de Faccini de l’atelier des Carracci. Inspiré par l’exemple de son maître, Faccini a alors réalisé de nombreuses études de figures dessinées d’après nature, en utilisant des modèles posant dans son atelier. Il faut noter la présence, au verso de notre feuille, d’une autre académie, malheureusement très abimée, qui vient renforcer cette hypothèse. Notre dessin peut être comparé à d’autres académies d’homme nu comme cette Étude de nu accroupi conservée au musée du Louvre (inv. 18466). Notre Étude d’homme couché présente toutes les caractéristiques du style de Faccini : la liberté insolite de la pose du modèle, la recherche d’expression dans l’ondulation du trait, l’absence d’intérêt pour la stricte exactitude des détails anatomiques. On retrouve ici l’éclat frémissant de vivacité et l’effet pictural qui fait tout le charme des dessins de l’artiste.
[1] Notre traduction : « Il y a tant de dessins de nus, que l'on voit une infinité de ses modèles dans toutes les collections les plus célèbres […], si sensationnels, si vifs, si voltigeants, et qui plus est, si faciles et francs, que l’on dirait qu’ils sont de son maître [c'est-à-dire Annibale Carracci], beaucoup sont vendus chaque jour comme s’ils étaient l'œuvre de sa main » (C. C. Malvasia, Felsina Pittrice, vite de’ pittori bolognesi, Bologne, 1678, édition consultée Bologne, 1841, p. 398).
[2] E. Negro et N. Roio, Pietro Faccini, 1575/76-1602, Modène, 1997, n°25, p. 104-105.