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François Chauveau

Paris, 1613 – 1676

 

Louis XIV et Minerve distribuant des récompenses militaires, 1663

 

Plume et encre brune, lavis d’encre de Chine

216 x 153 mm

 

Œuvre en rapport

Frontispice du tome II de l’Histoire de la maison royale de France et des grands officiers de la Couronne… d’Anselme de Sainte-Marie, Paris, E. Loyson, 1663

 

Bibliographie

A. Cahen, « Un dessin inédit de François Chauveau : Louis XIV et Minerve distribuant des récompenses militaires », Mélanges pour Emmanuelle Brugerolles, Milan, 2022, p. 114-117

 

 

L’homme aux 3000 gravures, aux 4400 compositions ! Dès que l’on cite François Chauveau, de Félibien à Mariette, de Perrault à Papillon, les superlatifs abondent. Mais si le graveur est relativement bien connu, le dessinateur l’est moins. En 2009, Maxime Préaud observait : « Les dessins de graveurs sont peu étudiés, sans doute parce que les graveurs eux-mêmes sont méconnus, peut-être aussi parce que les dessins de graveurs sont dans les ateliers exposés à plus de dégradations que les dessins de peintres. Mais il n’y a pas de graveur sachant graver qui ne sache dessiner […]. L’intense production gravée de François Chauveau implique évidemment un nombre considérable de dessins »[1]. Ceux-ci commencent à sortir de l’ombre depuis quelques années, notamment par le biais de l’identification de dessins préparatoires pour ses estampes.

 

Nous présentons un dessin préparatoire pour le frontispice de l’ouvrage du père Anselme de Sainte-Marie, Le Palais de l’honneur contenant les généalogies historiques des illustres maisons de Lorraine et de Savoie et de plusieurs nobles familles de France, publié pour la première fois par Loyson à Paris en 1663. Outre la science du blason, qui est contenue dans tous les livres d’héraldique du temps, le Palais de l’honneur se distingue par l’ajout de différents chapitres sur les ordres de chevalerie dans toute l’Europe et sur les cérémonies royales (couronnements, mariages et obsèques notamment) ; la dernière grande partie de l’ouvrage présente une généalogie des principales maisons de France. Pierre de Gibours, né en 1625 à Paris, entre dans l’ordre des Augustins déchaussés en 1644 sous le nom d’Anselme de Sainte-Marie. Consacrant sa vie aux études généalogiques, le père Anselme publie - en dehors du Palais de l’honneur qui est son premier ouvrage – le Palais de la gloire (1664) et La Science héraldique du blason (1674). Mais c’est cependant son Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de la France, publiée en deux volumes en 1674, qui va établir sa renommée. Le père Anselme complètera cet ouvrage jusqu’à sa mort en 1694 et celui-ci sera réédité et augmenté à plusieurs reprises au cours du XVIIIe siècle.

 

Le frontispice gravé du Palais de l’honneur (fig. 1) semble faire référence à la partie du livre consacrée aux ordres de chevalerie. Un monarque en cuirasse à l’antique distribue des bâtons de commandement tandis que Minerve remet un collier de l’ordre du Saint-Esprit ; surplombant la scène, une Renommée sonne de la trompe. Cette planche est citée dans les notes manuscrites de Mariette sous le titre : « Louis XIV, accompagné de Minerve, distribuant des dignités aux grands hommes qui se sont distingués dans l’exercice des armes »[2]. Rien ne s’oppose en effet à l’identification du monarque comme Louis XIV même si habituellement chez Chauveau, la figure du monarque, quand il s’agit du roi Soleil, est identifiée par des fleurs de lys dans les lambrequins de la cuirasse qui n’apparaissent pas ici, ni sur l’estampe, ni sur le dessin. L’eau-forte est accompagnée d’une légende en latin : Tu sola moues animos mentesq; peruris gloria (« Ô Gloire ! C’est toi qui anime et enflamme les âmes et les esprits »), qui est une citation tirée des Argonautiques de Valerius Flaccus [I, 75].

 

Louis XIV et Minerve distribuant des récompenses militaires, réalisé à la plume et encre brune rehaussée de lavis d’encre de Chine, prépare précisément ce frontispice. La feuille mesure 215 x 160 mm, soit exactement les dimensions de la composition gravée (le cuivre mesurant 225 x 167 mm). Le lavis gris présent sur l’ensemble du dessin indique précisément l’emplacement des ombres rendues par des hachures dans l’estampe. En dehors de l’inversion due au travail sur le cuivre, il n’y a que très peu de différences entre les deux images. On peut cependant remarquer en bas à droite du dessin une reprise de l’artiste sur l’angulation donnée aux marches. La feuille est doublée, ce qui rend difficile d’établir si le dessin a été incisé ou si son dos a été passé à la sanguine pour reporter la composition sur le cuivre.

 

Petite feuille emplie de charme et d’un grand sens descriptif, parfaitement documentée et datée, notre dessin constitue donc un ajout important au corpus des œuvres graphiques de Chauveau. Même dans l’espace réduit d’une page in-12, Chauveau arrive à rendre profondeur et monumentalité, alliée à la délicatesse du paysage animé d’une scène de bataille pleine d’entrain. L’artiste parvient ainsi à insuffler à sa composition un aspiration épique qui l’ancre dans la peinture d’histoire. Cette simple feuille permet de compter François Chauveau parmi les grands artistes de la gravure et de l’illustration française du XVIIe siècle, se situant entre Jacques Callot et Sébastien Leclerc.

 

Nous remercions Mme Vanessa Selbach et MM. Maxime Préaud et Philippe Cornuaille qui nous ont aimablement confirmé l’attribution de ce dessin et nous ont fourni des éléments pour la rédaction de cette notice.

 


[1] M. Préaud, « Les arts de l’estampe en France au XVIIe siècle : panorama sur trente ans de recherches », Perspective, Actualité en histoire de l’art, n°3, 2009, p. 372, mis en ligne le 04 août 2014, consulté le 20 janvier 2022. URL : http://perspective.revues.org/1308.

[2] M.-T. Mandroux-França. et M. Préaud éd., Catalogue de la collection d’estampes de Jean V, roi de Portugal par Pierre-Jean Mariette, Paris, 1996-2003, tome II, p. 319.

 



 
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