André Beloborodoff
Tula, 1886 – Rome, 1965
La Villa Celimontana, Rome, vers 1920
Pierre noire, plume et encre brune, lavis gris et gouache blanche
395 x 483 mm
Signé en bas à gauche : ABeloborodoff
Né dans un milieu aisé, André Beloborodoff s’inscrit en 1905 à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg dans la section architecture. En 1912, il commence une carrière prestigieuse dans la Saint-Pétersbourg prérévolutionnaire, inscrivant son architecture dans le renouveau néoclassique et œuvre pour des clients prestigieux comme le tsar Nicolas II et le prince Yousoupoff. La révolution bolchévique de 1917 condamne André Beloborodoff à s’installer tout d’abord à Londres, puis à Paris. Entouré d’amis artistes ou écrivains (Jean Cocteau, Paul Valéry, Serge Lifar), il réalise alors ses grands chantiers français : la villa Calaoutça pour Rosita de Castries, le château de Caulaincourt pour le comte et la comtesse de Moustier (1931-1934). Son style classique s’accorde parfaitement au gout de l’époque, dicté par le courant du « Retour à l’ordre » de l’entre-deux-guerres. En 1934, il s’installe définitivement en Italie où il rencontre les peintres majeurs du courant métaphysique (Giorgio De Chirico, Alberto Savinio). Ce courant l’influence jusqu’à lui faire quitter progressivement la représentation du monde réel pour privilégier davantage de liberté et intégrer des éléments surréalistes dans sa peinture. Ainsi, son œuvre pluridisciplinaire, à la fois classique et moderne, l’inscrit dans la lignée des grands décorateurs de la première moitié du XXe siècle comme Emilio Terry, Jean-Michel Frank ou Jean-Charles Moreux.
A partir d’octobre 1920, Beloborodoff découvre, fasciné, l’Italie. Profondément marqué par le paysage italien, il débute alors un cycle d’images d’Italie, « paesaggi archittettonici », dont fait partie notre vue de la Villa Celimontana. Située sur le mont Celio à Rome, la Villa Celimontana, lieu de résidence de la famille Mattei durant plusieurs siècles, change plusieurs fois de mains au cours du XIXe siècle. Propriété à partir de 1869 du baron Hoffmann, elle est confisquée à la fin de la Première guerrre mondiale en raison de la nationalité allemande de son propriétaire. A partir de 1926, le parc devient un jardin public tandis que la Société italienne de géographie s’installe dans le palais. Un peu à l’écart du centre historique et réputée pour sa tranquillité, la villa Celimontana a souvent été représentée par les artistes. Ici, Belobodoroff s’est placé sur les hauteurs du jardin, de manière à surplomber les ruines des thermes de Caracalla que l’on aperçoit au loin. Au centre de la composition, la fontaine du Fleuve (fontana del Fiume), construite au XVIIe siècle, est dédiée au fleuve Nera, qui coule à proximité. Sur la terrasse à gauche, on remarque une statue de Commode qui n’est plus en place actuellement. Comme tous les antiques placés dans le parc, elle a été retirée en 1923 pour être déposée au Museo Nazionale Romano, ce qui permet de dater notre dessin des premiers temps du séjour romain de l’artiste. Ce camaïeu d’ocre et de gris suggère les premières influences du courant métaphysique sur l’œuvre de l’architecte-peintre. Cela se traduit notamment par l’absence de personnages au profit de statues qui semblent enchantées et par une lumière douce et féérique, illuminant un ciel romain intemporel, à la fois antique et contemporain. Une autre version de ce dessin, à l’aquarelle, est conservée en collection privée[1].