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Hyacinthe Rigaud et son atelier

 

Perpignan, 1659 – Paris, 1743

 

Portrait d’un jeune militaire, vers 1705-1710

 

Pierre noire et rehauts de craie blanche

313 x 248 mm, mise au carreau

 

 

Descendant d’une lignée d’artistes perpignanais, Hyacinthe Rigaud quitte sa ville natale en 1671 pour aller compléter sa formation à Montpellier. Quatre ans plus tard, il part s’installer à Lyon, où sa réputation de portraitiste commence à s’affirmer. Rigaud arrive à Paris en 1681 et, dès l’année suivante, remporte le prix de peinture de l’Académie royale. Mais, sur les conseils de Charles Le Brun, il renonce au voyage à Rome et à une carrière de peintre d’histoire pour se perfectionner dans l’art du portrait. Il se fait remarquer du roi et de la cour avec le portrait de Monsieur en 1688, puis par celui de Louis XIV en armure, livré en 1694. Mais c’est surtout le portrait du monarque en costume de sacre, daté de 1701, qui consacre la célébrité du peintre. Être peint par Rigaud devient un honneur que l’aristocratie et les monarques étrangers vont rechercher. L’un de ses clients, Antoine Dezallier d’Argenville, également historien d’art, exprimera ainsi son admiration : « Rigaud savait donner à ses portraits une si parfaite ressemblance, que du plus loin qu’on les apercevait, on entrait pour ainsi dire en conversation avec les personnes qu’ils représentaient[1]. »

 

Hyacinthe Rigaud a peint de très nombreux portraits de militaires et pour flatter ses modèles invente alors le prototype du « militaire brandissant un bâton de commandement » : un homme de guerre au visage tourné vers le spectateur, le torse et le bras tendu vers la droite. Si ne figure pas ici le bâton de commandement, on retrouve cette attitude qui connue un grand succès après la réalisation du portrait du Grand Dauphin en 1697 et que l’artiste repris à de très nombreuses reprises (comte de Ross, prince de Saxe-Gotha, duc de Brünswick-Berven, etc.). Dans un ovale, le présent modèle – assurément un jeune adolescent et très probablement d’une haute lignée – pose ainsi dans la plus pure des traditions martiales. Comme la plupart du temps chez Rigaud, notre dessin très fini est le probable ricordo d’une œuvre peinte. Le carroyage qui a été tracé au-dessus du dessin, donc à postériori, pourrait avoir servi à faciliter soit la reprise de la composition au bénéfice d’un client postérieur qui aurait souhaité se faire peindre à l’identique, soit la traduction par la gravure. Cependant, on ne connaît aucune estampe en relation avec ce dessin.

 

Comme souvent chez Rigaud, notre dessin a dû faire l’objet d’une collaboration entre le maître et un assistant. A Rigaud revient sans conteste le visage et la perruque, rendue de manière extrêmement subtile dans son traitement souple et différencié de chaque boucle, voire de chaque cheveu. Le traitement de la lumière sur le visage, avec notamment des segments de blanc sur l’arête du nez, présente à la fois une belle subtilité et de la vigueur, que l’on retrouve dans le rendu des boucles de la perruque. Il y a là une douceur et une souplesse propres à la main de Rigaud, qui tranchent le plus souvent avec le caractère plus sec de ses collaborateurs. La joliesse du visage du modèle, la tendresse de ses yeux légèrement tombants, la rondeur juvénile de la mâchoire et la suavité du dessin de cette bouche charnue sont parfaitement rendus et accentués par la précision du rendu psychologique propre à l’artiste.

 

Par contraste, le dessin qui délimite les pans du manteau et l’armure paraissent plus raides dans leur recherche de géométrie. On reconnait la façon tout à fait particulière qu’a son principal collaborateur d’origine hollandaise, B. Monmorency, de charger de pierre noire les sillons creusés dans le tissu de l’ample manteau. Rigaud et son collaborateur révèlent avec soin le métal de cuirasse et ses reflets, la soie et tous ses chatoiement, au point de rivaliser avec la richesse chromatique de la peinture. Ce jeune et beau militaire témoigne une fois de plus du génie de Rigaud dans la mise en valeur de ses différents modèles.

 

Nous remercions Madame Ariane James-Sarazin qui nous a aimablement confirmé l’attribution de ce dessin et nous a généreusement fourni de précieux éléments pour la rédaction de cette notice.



[1] A.-J. Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, Paris, 1762, t. IV, p. 318.



 
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