Anton von Maron
Vienne, 1733 – Rome, 1808
Portrait de femme assise devant un paysage maritime, vers 1780
Huile sur toile
99 x 72,6 cm
Von Maron commence à étudier la peinture à l’Académie de Vienne. A l’âge de vingt-quatre ans, il s’établit à Rome pour suivre l’enseignement d’Anton Raphaël Mengs dont il devient le plus fidèle élève et collaborateur, avant d’épouse sa sœur, Teresa Mengs, en 1765. Lorsque ce dernier part à Madrid en 1761, Maron prend la tête de l’atelier et continue de satisfaire la prestigieuse clientèle étrangère du maître de passage à Rome. Ainsi s’établit sa renommée de portraitiste, introduisant des innovations sur le plan iconographique tout en conservant une grande maîtrise technique. On retrouve ainsi ces caractéristiques dasn les portraits de Robert Clive, gouverneur du Bengale (1766, Rome, Galleria Nazionale d’Arte Antica) et Johann Joachim Winckelmann (1767, Weimar, Goethe-Nationalmuseum). Admis à l’Académie de Saint-Luc en 1766, Maron y remplit différentes fonctions et en est élu « prince » en 1784 et 1786. Parallèlement, ses contacts avec la cour des Lorraine à Florence lui permettent de séjourner dans la capitale du grand-duché en 1771, mais aussi de rentrer triomphalement dans sa ville natale où, en 1772, il élabore un programme de réforme de l’enseignement de la Kunstakademie. De retour à Rome l’année suivante, il participe au grand chantier de décoration de la villa Borghese (1784-1785). Sa production de portraits reste d’un haut niveau jusque dans les années 1790 mais les dernières années de sa vie témoignent d’un isolement progressif due aux changements radicaux de goût de la société post-révolutionnaire.
Avec Pompeo Batoni, Von Maron s’est fait une spécialité de l’exécution des portraits des étrangers de passage à Rome, étape obligatoire du Grand Tour. Notre modèle, dont l’identité s’est malheureusement perdue, est probablement une anglaise séjournant dans la ville éternelle. Assise à l’orée d’une grotte, devant un paysage de mer et de rochers – qui doit probablement être une allusion à la Campanie –, elle regarde directement le spectateur. Elle est vêtue d’une robe d’été en mousseline de soie blanche, rehaussée de rubans rose, blanc et noir et sa tête est couverte d’une dentelle blanche. Son bras droit repose sur un rocher et soutient sa joue tandis que sa main gauche repose sur ses genoux, tenant une canne à pommeau d’or. Cette pose, inspirée de la Sybille Persique du Guerchin (Rome, Pinacoteca Capitolina), qui évoque traditionnellement la contemplation mais aussi la dignité et l’élégance, était particulièrement populaire dans la représentation des intellectuels et des dames de la haute société. Maron a utilisé cette attitude dans un autre portrait, celui d’Elizabeth Hervey, épouse du 4th Earl of Bristol, signé et daté 1779 (collection particulière). Soucieux de réalisme, l’artiste n’a pas hésité à représenter la tache noire sur la tempe de son modèle qui doit être un naevus facial, un grain de beauté géant, rare anomalie de la peau présente dès la naissance. On retrouve dans notre portrait la technique très raffinée de l’artiste, accompagnée d’une subtile combinaison chromatique de blanc, rose, noir, bleu et vert et d’une grande pénétration psychologique. D’une main experte, von Maron sait rendre pour la postérité l’expression la plus juste du caractère de son modèle, entouré des objets qui en indiquent le rang.