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Nicolas Loir

Paris, 1624 – 1679

 

Apollon et le serpent Python, vers 1667

 

Huile sur toile

30 x 30 cm

 

 

Fils d’un orfèvre, Nicolas Loir est encouragé dans sa vocation par son père qui le place chez Simon Vouet puis chez Sébastien Bourdon. De 1647 à 1649, l’artiste séjourne à Rome où il étudie figures, monuments, paysages et fabriques. Il en retire une extrême facilité à varier les sujets et une grande mémoire visuelle. C’est également là qu’il rencontre Nicolas Poussin qui aura sur lui une influence décisive. Si Loir exécute des copies du maître, il n’est ni un vulgaire copiste, ni un médiocre suiveur, mais a sa manière propre : un coloris tendre, un sens du raccourci et de la perspective, un goût pour l’ornement, un soin particulier accordé aux architectures et aux paysages, une rondeur dans les contours, enfin, qui en fait le peintre des vierges et des enfants dans ses Saintes Familles toutes d’équilibre et de grâce. Ce talent divers lui vaut très tôt de nombreuses commandes : grands tableaux d’église, May de Notre-Dame pour la guilde des Orfèvres (Saint Paul convertissant le proconsul Sergius en rendant aveugle le faux prophète Elymas, Rennes, musée des Beaux-Arts), décors de l’hôtel Senneterre et Guénégaud et du château de Plessis-Belleville. Reçu à l’Académie en 1666 avec Les Progrès des arts du dessin en France sous le règne de Louis XIV (Versailles, musée national du Château), il y sera professeur puis adjoint à recteur. A partir de 1668, Loir réalise aux Tuileries et à Versailles de grands décors allégoriques, aujourd’hui perdus, qui firent l’admiration de ses contemporains. Graveur, Loir s’est essayé à tous les genres : ses motifs d’ornements révèlent une fantaisie toute arabesque seule permise par les arts décoratifs.

 

Notre tableau esquissé représente, sur la gauche, Apollon triomphant du serpent Python et sur la droite, un groupe de nymphes et de faunes célébrant la victoire en dansant. Plusieurs légendes grecques racontent l’histoire du serpent Python. Selon certaines traditions, Python, fils de Gaïa, la terre, veillait sur l’oracle de Delphes et Apollon le tua pour se rendre maître de ce dernier. Selon d’autres, Python, fils d’Héra, pourchassait, sur ordre de sa mère, celle d’Apollon, Leto, alors que celle-ci était enceinte du dieu et de sa jumelle Artémis. C’est la raison pour laquelle Apollon tua Python avec les flèches que lui avait fournies Zeus, son père.

 

Dans notre esquisse, les canons et les poses des personnages sont entièrement conformes à ceux de Nicolas Loir. La figure sans doute la plus emblématique de son style est la nymphe allongée qui paraît dans l’angle inférieur droit. Son regard est dirigé par-dessus son épaule tandis que son bras croise son torse de façon très nette. Tel est exactement ce qui apparaît dans un de ces modèles de plafonds gravés par Alexis Loir d’après des modèles de son frère Nicolas (fig. 1). On pourrait d’ailleurs relever bien d’autres exemples du même genre, que ce soit dans le Moïse sauvé des eaux de Nicolas Loir qui appartient au musée des Beaux-arts d’Angers ou dans une Sainte Marie-Madeleine pénitente du même artiste qui nous est connue par deux versions (collection particulière).

 

Au second plan de notre tableau, l’artiste a représenté un groupe de figures en train de danser. L’idée consistait sans doute à célébrer l’éradication du serpent Python. Or, là encore, la danseuse au bras levé, vu de dos, offre un frappant rapport d’identité avec le personnage qui paraît au-devant du cortège de Flore, dans une Allégorie du Printemps de Nicolas Loir et son atelier (collection particulière). Plus généralement la rondeur formelle qui caractérise les figures, dans notre tableau, laisse reconnaître l’écriture de Nicolas Loir, et on en dirait de même du traitement si particulier réservé aux arbres, notamment ceux de l’arrière-plan. Ceux-ci épousent en effet un aspect particulièrement rectiligne, ayant été regroupés par deux comme s’il s’agissait d’une paire de colonnes. Une Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste, conservée à tort sous le nom de Mignard dans une collection particulière alors qu’elle est typique de Loir, révèle exactement le même rapport à la végétation.

 

La question cruciale consiste à savoir si notre tableau n’offre pas une relation avec quelque grand décor parisien, et même quelque grand décor royal. La présence d’Apollon et son triomphe sur le serpent Python ne peuvent manquer, en effet, d’être considérés comme une métaphore politique en rapport avec le Roi-Soleil triomphant sur ses ennemis. On serait d’autant plus enclin à le croire que Nicolas Loir avait justement décoré le château des Tuileries avec une série de peintures sur des sujets apolliniens, en 1667. Ainsi est-il avéré que dans l’antichambre du roi, Loir avait montré « la figure et des attributs du soleil [Apollon] pour exprimer sous un sens mystérieux les brillantes qualités du roi »[1].  Le plafond de la même pièce montrait Apollon entouré de multiples allégories. La même pièce était ornée (peut-être au niveau des voussures) de quatre récits liés à Apollon, cette fois sur fond doré. A l’évidence, l’intention consistait à montrer toute l’influence d’Apollon sur la régulation de l’univers. L’aspect esquissé de notre tableau suggère peut-être quelque « première pensée » en vue de ce projet capital dont il ne reste plus rien.

 

Nous remercions M. François Marandet qui nous a aimablement confirmé l’attribution de cette œuvre et nous a généreusement fourni des éléments précieux pour la rédaction de cette notice.

 


[1] Louis Dussieux, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale…, Paris, 1854, 2 vol., t. I, p. 338.



 
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