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Louis-Auguste Brun dit Brun de Versoix

Rolle, 1758 – Paris, 1815

 

Philippe, duc d’Orléans, et sa suite dans les jardins de Monceau, vers 1785

 

Huile sur toile

53 x 80 cm

 

 

Originaire du pays de Vaud, Louis-Auguste Brun reçoit sa formation dans l’atelier de son oncle Antoine Brun, peintre paysagiste. Il acquiert rapidement auprès de la noblesse et de la bourgeoisie locale une grande réputation, avant de séjourner à Turin en 1780. L’appréciation de son talent, lors de son passage à la cour de Savoie, lui vaut des introductions utiles à la cour de France. Dès 1781, le jeune peintre est à Paris, dans l’atelier de Jean-Baptiste Marie Pierre, et, l’année suivante, il bénéficie de la protection du duc de Luynes, qui l’invite à résider dans son château de Dampierre. L’appui des filles de Victor-Amédée III de Savoie, les comtesses de Provence et d'Artois, permet au peintre d’approcher, dès 1783, les membres de la famille royale française et l’entourage de la reine Marie-Antoinette. Fuyant Paris sous la Révolution française, Brun s’installe en 1789 à Versoix dont il deviendra maire sous l’Empire. A partir de 1801, l’artiste abandonne la peinture pour devenir collectionneur et marchand d’art, spécialisé dans les écoles nordiques.

 

C’est durant les années passés à Paris, entre 1780 et 1789 que l’art de Louis-Auguste Brun est à son apogée. Les portraits de Marie-Antoinette (Marie-Antoinette lors d’une chasse à courre, 1783, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ;  Marie-Antoinette à cheval, idem) ou de son beau-frère (La Promenade du comte d’Artois et de son épouse en cabriolet, 1782, Genève, musée d’Art et d’Histoire) démontrent combien l’art raffiné du peintre avait su séduire le milieu de la cour. C’est dans cette société que Brun rencontre Louis-Philippe d’Orléans (1747-1793), prince du sang et cousin de Louis XVI. Ce cousinage – éloigné – n’empêchera pas le duc de soutenir la Révolution – il prendra le nom de Philipe-Égalité – ni de voter pour la mort du roi en 1793.

 

Bien reconnaissable à son léger embonpoint, à son nez bourbonien et à la boucle à l’oreille gauche – que l’on retrouve dans le portrait de Joshua Reynolds daté de 1785 (original disparu, une copie au musée Condé à Chantilly) - , le prince est à peine descendu de cheval et dialogue avec un de ses valets, un piqueur reconnaissable à son chapeau rond. A ses côtés, un enfant noir attire l’attention : comme la comtesse du Barry ou d’autres membres de la famille royale, le duc d’Orléans était fier de pouvoir compter dans sa domesticité un esclave noir. Un dessin préparatoire de ces deux figures se trouve conservé dans les collections du musée d’Art et d’Histoire de Genève[1]. D’autres membres de la suite princière, deux chiens et un cabriolet complètent la composition.

 

La scène se situe dans le magnifique jardin de Monceau, ou de Mousseau comme on disait alors. Devenu propriétaire dans les années 1770 d’un énorme domaine de 26 hectares dans la plaine Monceau, alors en dehors de Paris, le duc d’Orléans y fait construire un château et surtout aménager des jardins à l’anglaise par Louis de Carmontelle. Parmi les folies qui parsèment ce parc, se trouve une colonnade appelée Naumachie[2]. Construite avec les colonnes de l’ancienne rotonde des Valois de la basilique de Saint-Denis, la colonnade entourait un vaste bassin, point de rencontre de tous les ruisseaux dessinés par Carmontelle. A l’origine, ce bassin comportait un obélisque en son centre. Bien que réduite et restaurée au cours du XIXe siècle, la Naumachie du parc Monceau est toujours visible aujourd’hui.

 

D’un métier précieux, tout à fait dans le goût nordique très apprécié à la fin du XVIIIe siècle, notre portrait de groupe est également inspiré par les conversation pieces de l’art anglais que l’on découvre alors. C’est Thomas Gainsborough qui illustrera le mieux ce genre nouveau de tableaux représentant des familles nobles ou de la bourgeoisie avec leurs enfants, leurs domestiques et leurs chiens situés dans leur cadre familier, intérieur ou extérieur. En dépeignant le duc d’Orléans non pas de manière pompeuse mais dans son jardin, entouré de sa suite et se livrant à une activité sportive, Brun de Versoix confère au prince une personnalité particulière et souligne la place qu’il occupe dans la société de son temps. 

 


[1] A. de Herdt et L. de la Rochefoucauld, Louis-Auguste Brun (1758-1815) dit Brun de Versoix, catalogue des peintures et des dessins, Genève, 1986, n°122, p. 55 et 119.

[2] D’après L. de Carmontelle, « Vue du Cirque ou de la Naumachie », planche XI du Jardin de Monceau près de Paris appartenant à son Altesse Sérénissime le duc de Chartres…, Paris, 1779.



 
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