
Louis-François Cassas
Azay-le-Ferron, 1756 – Versailles, 1827
Vue panoramique de la place Saint-Pierre à Rome, 1781
Pierre noire, plume et encre brune, aquarelle
560 x 810 mm
Signé et daté en bas à droite : L.-F. Cassas f. in Rome / 1781
Marque du monteur ARD (Lugt 172)
Provenance
Marcel Boulanger, décorateur, Paris
Vente de sa collection, Paris, Hôtel Drouot, 14-15 novembre 1929, n°238, en pendant avec un dessin de la campagne de Rome, adjugés 7 200 fr.
Fils d’un géomètre des routes royales, Louis-François Cassas se forme au dessin d’architecture à Tours avant de venir à Paris en 1775. Là, il fréquente les ateliers de Jean-Jacques Lagrenée et Jean-Baptiste Le Prince. Ce dernier, qui a exploré la Hollande, la Finlande et la Russie, lui transmettra le goût du voyage et l’art du dessin sur le vif. Son protecteur, le duc de Rohan-Chabot, finance son voyage en Italie entre 1779 et 1783 : Rome, la Campanie, la Sicile mais aussi la Vénétie, la Dalmatie et l’Istrie, destinations rares à l’époque. Dès lors, le plaisir du voyage ne le quittera plus. En 1784, Cassas suit le comte de Choiseul-Gouffier nommé ambassadeur à Constantinople et visite la Syrie, l’Égypte, la Palestine, Chypre et l’Asie Mineure. De retour à Paris à la veille de la révolution, Cassas se consacre à la préparation de livres décrivant ses voyages, illustrés par ses dessins tout en exposant ses œuvres aux Salons entre 1804 et 1824.
En 1781, date portée sur notre dessin, Cassas est en Italie depuis trois ans. L’année précédente, il obtient une faveur exceptionnelle pour un dessinateur : une chambre d’externe à l’Académie de France à Rome, sur recommandation du duc de Chabot, son protecteur, et du directeur de l’Académie de Paris, Joseph-Marie Vien. Il profite de son séjour romain pour dessiner sur le motif les vues de Rome et les sites les plus pittoresques du Latium comme Tivoli ou Frascati. Multipliant les exercices de plein air, il sait désormais faire le choix du meilleur point de vue, capter la lumière, introduire des figures dans le paysage. Si l’essentiel des dessins réalisés à Rome sont inspirés par les ruines archéologiques de la Cité éternelle, Cassas réalise aussi de rares vues de la Rome baroque et contemporaine comme cette vue du Vatican, avec le palais de l’Inquisition et la porte Cavallegieri (Paris, Beaux-Arts, inv. Mas 1297-2).
A partir de dessins de ce genre, Cassas réalisait également quelques rares aquarelles et lavis de grand format destinées au commerce, comme notre vue de Saint-Pierre. Vaste esplanade, la place Saint-Pierre a été commandée en 1656 par le pape Alexandre VII au Bernin afin de mettre en valeur l’espace situé devant la basilique Saint-Pierre. L’artiste se place ici entre les deux colonnades latérales pour saisir au centre l’obélisque du Vatican, flanqué des deux fontaines de Carlo Fontana et, au fond, la façade principale de la basilique élevée par Carlo Maderno et le palais pontifical sur la droite. Cassas cherche à restituer l’effet de surprise voulu par le Bernin qui voulait qu’en quittant les sombres ruelles du Borgo, le visiteur soit ébloui par la magnificence de la place et de la basilique.
Notre dessin est très proche d’une vue réalisée à la même époque par Francesco Panini où l’on retrouve l’imposante architecture mais aussi l’animation de la place avec son cortège de carrosses et de promeneurs (Paris, musée du Louvre, inv. 6691)[1]. Le point de vue retenu par Cassas donne à sa composition un souffle, une ampleur et une inspiration impressionnants. Le dessin se caractérise avant tout par l’adresse de la plume, la fermeté des contours et la netteté des détails, sans rien enlever au pittoresque de la composition. La petite taille des groupes de personnages contribuent à souligner le caractère grandiose du site. Liant simplicité et grandeur, le peintre parvient ainsi à évoquer cette atmosphère romaine si particulière, faite de douceur et de grandeur qui invite le spectateur au voyage.
Nous remercions Madame Annie Gillet, spécialiste de l’artiste, qui nous a aimablement confirmé l’attribution de ce dessin et nous a généreusement fourni des éléments précieux pour la rédaction de cette notice.
[1] A. Gilet et P. Le Leyzour, Giovanni Volpato, Les Loges de Raphaël et la galerie du Palais Farnèse, Tours, 2007, n°67.