



Augustin-Louis Belle
Paris, 1757 – 1841
Hersé, fille de Cécrops, aperçoit Mercure qui se dirige vers son palais, 1822
Huile sur toile
96,5 x 71 cm
Signé et daté en bas à gauche : Belle / 1822
Exposition
Paris, Salon de 1822, n°66
Lille, Salon de 1822, n°43
Né dans une famille d’artiste, Augustin Belle est formé par son père, Clément Belle, avant de passer dans l’atelier de Joseph-Marie Vien. En 1782, il remporte le deuxième grand prix de Rome avec sa Parabole de l’enfant prodigue ; mais c’est aux frais de la famille qu’il gagne l’Italie deux ans plus tard, étant cependant accepté à l’Académie comme élève externe. A Rome, malgré l’interdiction papale, il rejoint une loge maçonnique secrète, la Réunion des Amis sincères, où il rencontre l’aventureux comte de Cagliostro. Découvert, il est arrêté et expulsé en 1790. De retour à Paris, il commence à exposer au Salon des tableaux d’histoire comme Le Mariage de Ruth et Booz ou Thésée après avoir trouvé les armes de son père se met en route pour purger les rochers des brigands (1793). Républicain enthousiaste, proche de Jacques-Louis David, il est parmi les membres fondateurs de la Commune générale des Arts puis du Club révolutionnaire des Arts où il défend l’égalité des droits de tous les artistes. En 1793, nommé directeur de la manufacture des Gobelins, il réorganise les ateliers tout en ordonnant la destruction de tapisseries portant les signes de la royauté. Relevé de ses fonctions en 1795, Belle restera cependant lié à la manufacture, devenant notamment entre 1806 et 1816, professeur de dessin et inspecteur des travaux d’art, tout en poursuivant sa carrière de peintre d’histoire.
Dans la mythologie grecque, Hersé (« la Rosée ») est la fille de Cécrops, premier roi d’Athènes. Avec ses sœurs Aglaure et Pandrose, elle est la prêtresse du plus ancien sanctuaire de l’Acropole, l’Erechthéion. Mercure, messager des dieux, s’est épris d’elle et cherche à la séduire mais ne peut cependant accéder à sa chambre sans passer par celle de sa sœur Aglaure. Il offre alors à celle-ci une somme d’argent en échange de sa coopération ; elle accepte, mais jalouse de la bonne fortune de sa sœur, décide finalement de fermer sa porte. Forçant le passage, Mercure transforme par le regard Aglaure en statue de pierre afin de pouvoir vivre son idylle. L’iconographie traditionnelle du thème, traité aussi bien par Paolo Veronèse (Cambrige, The Fitzwilliam Museum), Nicolas Poussin (Paris, Beaux-Arts) ou Jean-Baptiste Marie Pierre en 1783 (Paris, musée du Louvre), associe régulièrement les trois figures d’Hersé, Aglaure et Hermès et le moment du passage en force du dieu pour rejoindre son aimée.
De manière originale, Augustin Belle choisit un autre moment, celui où Hersé, commençant sa toilette au sortir du bain, aperçoit Hermès qui se dirige vers son palais. Ici, plus de châtiment exemplaire comme chez Véronèse, ni même de désir exposé comme chez Poussin, mais simplement une intimité dérangée. La source mythologique est surtout un prétexte pour peindre un nu voluptueux placé dans un décor à l’antique, avec un ameublement inspiré du mobilier de bronze trouvé à Pompéi ou Herculanum. Il faut noter l’influence d’une des rares œuvres galantes de Jacques-Louis David – que Belle a beaucoup fréquenté durant la Révolution – Les Amours de Pâris et Hélène, peint en 1788 (Paris, musée du Louvre) : on retrouve ici et là le même lit de repos ou les mêmes draperies accrochées au mur. Face à cette rigueur dans la composition, les coloris chauds, orangés, briques, jaunes, corail éclatant pour le tapis, réchauffent l’atmosphère, tout en s’opposant aux bleus du vêtement et du ciel et aux verts des murs. Tous ces éléments montrent l’attachement de Belle à l’esthétique néo-classique à laquelle il se montre fidèle tout au long de sa production.