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Barthélémy-François Chardigny

Rouen, 1757 – Paris, 1813

 

Uranie enseignant à l’astronome Ératosthène d’Alexandrie à mesurer la circonférence de la terre, vers 1808

 

Plâtre stéariné

12,5 x 56 x 5 cm

Signé en bas à gauche : Chardigny f.

 

 

Né à Rouen en 1757, Chardigny s’installe en 1773 à Paris, où il se forme dans les ateliers de Christophe-Gabriel Allegrain et d’Augustin Pajou tout en fréquentant l’Académie royale de peinture et de sculpture. Après avoir remporté le grand prix de Rome de 1782 grâce à son relief La Parabole du Samaritain, il se rend à Rome en 1784. À la fin de l’année suivante, s’étant épris de l’une des filles du directeur de l’Académie de France à Rome, Louis-Jean-François Lagrenée, il propose à celle-ci de l’enlever. L’affaire s’étant ébruitée, il est exclu de l’Académie et contraint de quitter Rome en février 1786. Il s’établit alors en Provence, d’abord à Toulon où il est chargé de réaliser plusieurs sculptures pour l’église Saint-Louis. À la suite d’un différend avec la ville de Toulon à propos de cette commande qui lui est retirée, il se fixe à Aix-en-Provence en 1788. Là, il est chargé de la décoration du nouveau palais de justice, édifié sous la direction de Claude-Nicolas Ledoux. Le chantier étant interrompu par la Révolution, Chardigny se rend à Marseille, où il est reçu à l’Académie de peinture et de sculpture de cette ville en 1795. Fervent révolutionnaire, Chardigny exécute plusieurs allégories perdues (La Liberté, La Patrie, Le Clergé et la Noblesse vaincus au pied du Tiers État). Devenu bonapartiste, il est, à partir de 1801, le sculpteur quasi officiel du préfet Charles Delacroix. Celui-ci lui commande alors une série de monuments destinés à l’embellissement de la ville et dont aucun ne sera totalement terminé : monument à Bonaparte, fontaine de la place des Fainéants ou fontaine de la place Saint-Ferréol.

 

En 1808, désireux d’assurer une bonne formation à son fils Pierre-Joseph, qui se destine également à la sculpture, Chardigny revient à Paris. Occupé à sculpter deux bas-reliefs dans l’escalier nord de la colonnade du Louvre, il y mourra en 1813 des suites d’une chute. Si sa statue de l’impératrice Joséphine (perdue) a attiré sur lui l’attention du gouvernement et lui permet d’obtenir quelques commandes, il est probable que Chardigny doit aussi accepter des travaux moins prestigieux. C’est ainsi qu’il est amené à collaborer avec l’horloger Jean-François Bailly pour la réalisation d’une pendule monumentale (hauteur 86,5 cm, largeur 60,5 cm, profondeur 27 cm) figurant Uranie ou L’Astronomie, en bronze patiné et doré, commandée par le Garde-Meuble impérial pour le grand cabinet de l’Empereur à Compiègne (volée en 1998, localisation inconnue ; un modèle similaire a été réalisé en 1811 pour le salon des Princes de l’appartement de l’Empereur au Grand Trianon, in situ).

 

La réalisation d’une pendule est une œuvre collective : il s’agit de combiner l’art d’un sculpteur et/ou d’un dessinateur pour le modèle général, d’un bronzier pour la partie métallique et d’un horloger pour le mécanisme. Généralement, seul ce dernier étant signé, les pendules sont donc le plus souvent attribuées à l’horloger, les autres artistes étant relégués dans l’ombre. La pendule monumentale Uranie ne fait pas exception à la règle. Si les bronzes sont traditionnellement attribués à Jean-François Denière, jusqu’à présent, aucun nom de sculpteur n’avait été évoqué. La découverte de notre bas-relief, signé, permet de donner à Chardigny non seulement la base mais probablement l’ensemble des parties sculptées de la pendule Uranie. Elle permet ainsi de répondre, partiellement, à la question soulevée par Jean-Pierre Samoyault en 2009 à propos du modèle conservé au Grand Trianon : « On aimerait connaître le nom du créateur qui a donné le dessin, celui du sculpteur qui a fait le modèle et ceux des fondeur, doreur et ciseleur qui ont réalisé le premier exemplaire de cette œuvre majestueuse[1]. »

 

Parmi les pendules à sujets datant du Premier Empire, Uranie est l’une des plus monumentales. Par son iconographie, elle constitue un hommage à la science des Égyptiens dans le domaine de l’astronomie. Une grande figure féminine drapée à l’antique représente la muse Uranie « regardant les astres » et prenant des mesures avec un compas sur un globe céleste étoilé, ceinturé par les signes du Zodiaque posé sur un pylône de style égyptien. Sur le socle inférieur, un bas-relief montre « Uranie enseignant à l’astronome Ératosthène d’Alexandrie à mesurer la circonférence de la terre ». Ici aussi, l’environnement est lié à l’Égypte : à gauche, le Nil sous les traits d’un vieillard tenant une corne d’abondance, un sphinx, un palmier, une pyramide ; à droite, un vase canope sur un piédestal. Au centre, Ératosthène, vieillard barbu, entouré de jeunes hommes et d’un génie, regarde Uranie faire sa démonstration sur un globe terrestre. Ératosthène (Cyrène, vers 276 – Alexandrie, vers 194 av. J.-C.) est resté célèbre pour avoir été le premier dont la méthode de mesure de la circonférence de la Terre soit connue ; bien qu’inexacte, elle était très proche de la réalité. Avec sa composition en frise et ses références savantes à l’Antiquité, notre bas-relief illustre à merveille la manière dont l’esthétique néoclassique pouvait être appliquée aux arts décoratifs sous le Premier Empire.

 


[1] J.-P. Samoyault dans P. Arizzoli-Clémentel et J.-P. Samoyault, Le Mobilier de Versailles, chefs-d’œuvre du xixe siècle, Dijon, 2009, n° 107, p. 286-287.



 
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