Jean-Baptiste Camille Corot
Paris, 1796 – Ville d’Avray, 1875
Etude de cavaliers dans la campagne, vers 1860
Plume et encre brune, lavis gris et fusain
Au verso, Une allée avec une figure féminine, étude, fusain
168 x 290 mm
Cachet de l’atelier en bas à gauche (Lugt 460a)
Provenance
Atelier de l’artiste
Vente de l’atelier, Paris, 31 mai-2 juin 1875
Vente Paris, Ader, 23 février, 1968, n°8
Collection Claude Aubry
Issu d’un milieu aisé, Corot reçoit de son père à partir de 1822 une rente qui lui permet de se consacrer entièrement à sa vocation de peintre. Inscrit dans l’atelier d’Achille-Etna Michallon, il peint en sa compagnie ses premières études sur le motif en forêt de Fontainebleau. En 1825, il entreprend à ses frais son premier voyage en Italie où il retournera à deux reprises, en 1834 et 1843. A Rome, au contact stimulant de la colonie de paysagistes venus de l’Europe entière, il peint ses premiers chefs-d’œuvre. De retour en France en 1828, il adopte un rythme de travail qui ne variera guère, peignant l’hiver dans son atelier parisien et consacrant l’été à travailler sur le motif au cours de multiples voyages à travers la France. Après 1850, renonçant à ses grandes compositions bibliques, il inaugure avec la Danse des nymphes un genre qui lui assurera une célébrité universelle. Dans les Souvenirs qu’il peint alors, il atteint la maturité de son art, créant un univers bucolique teinté de mélancolie, en marge de tous les courants contemporains. Parallèlement, son intérêt pour la figure humaine ne cesse de s’affirmer avec la série des Ateliers. Ami de Daumier, Rousseau, Decamps et Millet, le « bonhomme Corot », entré dans la légende, est considéré comme le plus grand paysagiste français du XIXe siècle.
Notre dessin est un exemple caractéristique de la dernière manière de Corot, synthétique et expressive. Issu de l’imagination de l’artiste, avivée par la mémoire, ce paysage composé est une variation sur le thème du cavalier dans la nature, thème développé tout au long de la vie de Corot mais plus particulièrement dans ses dernières années, aussi bien en dessin qu’en peinture (Le cavalier arrêté, 1865-72 ; Les contrebandiers, 1871-72 ou Les Gaulois, 1874)[1]. Le verso est également représentatif des thèmes poétiques abordés par Corot durant les années 1860, notamment dans Un chemin dans les bois de Saint-Cloud de 1867[2]. Stylistiquement, notre dessin peut être rapproché de plusieurs œuvres conservées au Musée du Louvre[3], à la Bibliothèque nationale de France ou au Musée d’Art et d’Histoire de Genève[4], tous datés de la dernière décennie de la vie de l’artiste.
La liberté et le dépouillement de cette étude, où les plans sont réduits à l’essentiel, en font un des exemples frappants de la sûreté magistrale de la main de Corot à la fin de sa vie. A cette époque, délaissant quelque peu le travail sur le motif, l’artiste se laisse emporter par les souvenirs et ébauche sur le papier des évocations de la nature toujours présente dans sa mémoire. L’audace de ce dessin d’un accent si moderne par la simplicité des plans réduits à l’essentiel est moins une impression directe que la transposition d’un paysage tel que le concevait alors Corot.
Ce dessin, dont l’attribution a été confirmée par Monsieur Martin Dieterle, sera publié dans le catalogue raisonné des dessins de Corot, en préparation par Jill Newhouse et Martin Dieterle.
[1] A. Robaut, L’Oeuvre de Corot, 1905, volume 3, n°2307, 2310 et 2317.
[2] A. Robaut, op. cit., vol. 3, n°1982.
[3] Cavalier dans un chemin creux, mine de plomb et crayon noir et Civita Castellana, mine de plomb, plume et encre noire, tous deux reproduits dans C. Bouret, Corot, le génie du trait, estampes et dessins, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1996, n°164 et 165.
[4] Cavalier dans un paysage, souvenir de Semur, plume et lavis de sépia (Genève, Musée d’Art et d’Histoire) et Environs de Rome, l’Ariccia, fusain, pastel et rehauts de craie blanche (Paris, Bibliothèque nationale de France), tous deux reproduits dans M. Kahn-Rossi, Jean-Baptiste Camille Corot, un sentimento particolare del paesaggio, Lugano, 1994, n°27 et 30.