Georges Barbier
Nantes, 1882 – Paris, 1932
Autour du Chat Noir, 1914
Pinceau et encre de Chine
292 x 190 mm
Signé et daté en bas à gauche : G. Barbier 1914
Signé et annoté par Aristide Bruant dans la marge inférieure : La lune était plus sombre / En haut les chats braillaient, /Quand j’aperçus dans l’ombre / Deux grands yeux qui brillaient. / Autour du Chat Noir / Aristide Bruant
Né à Nantes en 1882, George Barbier effectue ses études à l’École des beaux-arts de Paris dans l’atelier de Jean-Paul Laurens mais abandonne rapidement la formation académique pour se former seul au Louvre devant les vases grecs ou les sculptures égyptiennes. C’est en 1912 qu’apparaissent ses premiers dessins publiés dans la Gazette du Bon Ton tandis que des projets de textiles sont présentés au Salon des artistes décorateurs. Passionné par les Ballets Russes, il collabore en 1913-1914 avec Serge Diaghilev et lui donne des dessins pour des costumes et des décors. Durant la même période, Barbier publie des albums consacrés aux principales vedettes des Ballets Russes, le danseur Vaslav Nijinski et la ballerine Tamar Karsavina. Durant la guerre, les publications de luxe ou celles consacrées à la mode avec lesquelles il avait l’habitude de collaborer étant suspendues, Barbier rebondit en travaillant désormais pour des revues comme La Vie Parisienne, Fantasio ou La Baïonette qui lui commandent un autre type d’illustration tournée la galanterie élégante et un peu leste. Après-guerre, l’artiste se tournera à nouveau vers la scène, créant des costumes pour le théâtre (Casanova de M. Rostant, 1919) ou pour la salle de spectacle des Folies Bergère et vers l’illustration de livre, de Femmes de Verlaine (1917) aux Chansons de Bilitis de Pierre Louys (1922).
Signé et annoté par Aristide Bruant (Courtenay, 1851-Paris, 1925), notre dessin évoque la chanson Au Chat Noir qui met en scène les tribulations (embrumées au fil des couplets par une dose croissante d’alcools variés) d’un promeneur parisien « qui cherche fortune tout autour du Chat Noir, à Montmartre le soir ». Cette chanson a été écrite en 1884 par Bruant – considéré comme l’inventeur de la chanson réaliste – pour le cabaret du Chat Noir. Elle s’est rapidement imposée comme l’hymne d’une génération, et Bruant, avec sa voix rocailleuse, devient le symbole de Montmartre dans le monde entier. Ce quartier, qui était en 1880 une commune de Paris appauvrie, dangereuse, éloignée, est devenu au tournant du siècle un pôle d’attraction pour nombre de jeunes artistes d’avant-garde et le centre littéraire et artistique de Paris. Mais cet environnement dédié à la culture et au divertissement est si bien exploité et « vendu » par ses créateurs que la bohême devient rapidement une attraction touristique majeure aux yeux de étrangers venus du monde entier. Barbier nous montre un mondain élégant en habit noir et chapeau haut-de-forme accompagné par deux femmes en tenue de soirée, sortant peut-être du cabaret du Chat Noir, installé en 1914 au 68, boulevard de Clichy. Ces trois élégants viennent s’encanailler à Montmartre à quelques jours du déclenchement de la Première guerre mondiale qui marque la fin de la Belle Epoque. Il n’est pas impossible que Barbier ait représenté Aristide Bruant âgé, de retour à Montmartre : après 1900, le chansonnier enrichi se retire dans son château de Courtenay tout en retournant épisodiquement à Paris. Barbier a consacré de nombreuses illustrations au monde de la nuit dont il était un pilier, comme une Rencontre de deux étoiles, publiée dans La Vie Parisienne. Mais avec son esthétique en blanc et noir, notre dessin évoque cependant plutôt l’art de l’illustrateur anglais Audrey Beardsley ou les travaux de Léon Bakst.