Manuel Ortiz de Zarate
Côme, 1887 – Los Angeles, 1946
Pablo Picasso, La Rotonde, janvier 1917
Mine de plomb, plume et encre brune
215 x 145 mm
Signé, daté et dédicacé en haut à gauche : Ortiz de Zarate / La Rotonde Montparnasse / a Picasso / 1917
Au verso, Enfant endormi, mine de plomb
Né à Côme en Italie, Manuel Ortiz de Zarate est le fils du compositeur chilien Eleodoro Ortiz et le frère cadet du peintre Julio Ortiz de Zarate. Il se forme auprès du peintre Pedro Lira, avant de s’inscrire à l’École des beaux-arts de Santiago de Chili. En 1902, il retourne dans son pays natal pour étudier à Rome où il rencontre, deux ans plus tard, Amedeo Modigliani qui l’engage à s’établir à Paris. Avec sa compagne polonaise Edwige Piechowska, Ortiz déménage finalement à Paris en 1906 et va occuper successivement plusieurs ateliers à Montparnasse, notamment dans la cité d’artistes de la Ruche. Là, il intègre le milieu de l’avant-garde picturale et devient une figure du Montparnos : Arago parle de lui comme de « l’unique Patagon de Paris »[1]. A cette époque, fortement marqué par Cézanne et les Fauves, Ortiz élabore une peinture marquée par le cubisme de Braque et Picasso mais où la couleur reste toujours un élément dominant. Réalisant de fréquents séjours dans son pays natal, il fonde en 1923, avec son frère Julio et un groupe d’artistes (Luis Vargas Rosas, José Perotti), le Groupe Montparnasse qui apporte à Santiago de Chili les dernières tendances des avant-gardes européennes.
Notre dessin montre le visage caractéristique de Pablo Picasso, en 1917, à la brasserie La Rotonde, un des lieux les plus fréquentés par les artistes et écrivains de l’avant-garde des années 1910-1930. On sait que Ortiz de Zarate y déjeune avec Picasso et sa jeune maîtresse Pâquerette le 12 août 1916, rencontre immortalisée par Jean Cocteau qui fit un reportage photographique. Notre dessin a probablement été réalisé quelques temps après, lors d’une autre de ces réunions amicales et il semble possible de suggérer une datation durant les premiers mois de 1917. En effet, Picasso, après avoir participé en janvier avec Ortiz de Zarate au banquet offert par Max Jacob et Marie Vassilief en l’honneur du rétablissement de la santé de Braque (gravement blessé au front), passe la plus grande partie de l’année 1917 hors de Paris. A partir de février, il séjourne en Espagne puis en Italie où il rejoint Diaghilev et les Ballets russes pour réaliser les costumes et les décors de Parade. Après la première du ballet au Châtelet en mai, il repart pour l’Espagne quasiment jusqu’à la fin de l’année. Dans notre dessin, Ortiz de Zarate caractérise en quelques coups de crayons les traits caractéristiques de Picasso et son regard pénétrant.
[1] G. Apollinaire, « La vie anecdotique », Mercure de France, t. CVIII, n°402, 16 mars 1914, p. 432.