Louise-Joséphine Sarazin de Belmont
Versailles, 1790 – Paris, 1870
Vue prise du mont Palatin avec les thermes de Caracalla et les églises Santa Balbina et San Saba
Huile sur carton
12 x 16,5 cm
Monogrammé en bas à gauche : S.B.
C’est dans l’atelier de Pierre-Henri de Valenciennes, ouvert aux femmes, que se forme la paysagiste Louise-Joséphine Sarazin de Belmont. D’une exceptionnelle longévité, elle débute en 1812 sous l’Empire ; en 1867, sous Napoléon III, elle est toujours présente au Salon. D’abord protégée par l’impératrice Joséphine, elle le sera ensuite par la duchesse de Berry qui possède dans sa collection douze de ses vues d’Italie. Grande voyageuse, elle séjourne régulièrement en Italie à partir de 1824, se rend en Allemagne en 1838, et est l’une des premières à peindre la forêt de Fontainebleau, la Bretagne et les Pyrénées, où elle s’installe seule durant trois mois dans une cabane de berger au cœur du val de Géret, afin d’y saisir toutes les variations de la lumière : méthode expérimentale qui fait alors grand bruit sur place et au Salon de 1831[1]. À Paris, son atelier du faubourg Saint-Germain est fréquenté par les plus grands artistes du temps, dont Ingres et Gros, de qui elle célèbre le souvenir et celui de sa femme morte en 1842 dans son superbe Paris, vu des hauteurs du Père-Lachaise, où le tombeau de famille domine la ville au couchant (Toulouse, musée des Augustins). Ses tableaux s’inscrivent dans la tradition du paysage classique hérité de Poussin, renouvelée par une sensibilité romantique et par l’expérience du plein air : la recherche du pittoresque y est contrebalancée par un souci archéologique et une vérité topographique, en accord avec un talent incisif et puissant.
De son premier voyage en Italie, entre 1824 et 1826, la paysagiste rapporte quantité d’esquisses et de dessins pris à Tivoli, Terni, Subiaco, Naples, Paestum et en Sicile, une destination peu courante à cette époque. Comme son maître Valenciennes, Mme Sarazin réalise ses études à l’huile sur des cartons de moins de vingt centimètres de large, le resserrement de l’image l’obligeant à une rigueur perspective et à une monumentalité atteinte dès le stade de l’esquisse, par des contours nettement définis, un solide étagement des plans, un équilibre harmonieux des masses. Notre vue surplombante depuis le mont Palatin obéit à ces règles. Parfaitement construite, elle permet d’embrasser du regard dans les lointains les ruines imposantes des thermes de Caracalla et ses deux piliers de l’ancien caldarium, les silhouettes des églises Santa Balbina et San Saba, tandis qu’au premier plan s’étagent les différents vestiges du Mont Palatin. Les siècles s’y côtoient : petites fabriques modernes en contrebas, arcades et tours des demeures patriciennes et des palais impériaux, et ce grand toit terrasse bordé de vases Médicis qui rappelle l’ordonnancement à étages des grands jardins Farnèse et permet aux visiteurs de savourer la vue sur le Circus Maximus en contrebas. La vue possède à la fois la rigueur de composition d’un tableau achevé et la liberté de notation de l’esquisse. Dans un souci archéologique, Sarazin de Belmont rend jusqu’au petit appareillage de briques et de tuiles des ruines autrefois recouvert de parements de marbre : c’est lui qui donne sa couleur d’ensemble au tableau, un bel ocre vif encore rehaussé par la verdure et la lumière sans ombre d’un ciel d’été romain.
[1] C.-P. Landon, « Salon de 1831 », Annales du Musée et de l’École Moderne des Beaux-Arts, p. 248 : « Mlle Sarazin de Belmont [...] nous a offert cette année les immenses résultats de son exploration des Pyrénées. Son talent exact, et mâle quelquefois jusqu’à la rudesse, s’est montré dans tout son éclat, surtout dans ses Vues du Cirque et de Chaos de Gavarnie. Douze tableaux, cent-dix-neuf vues des Pyrénées, peintes en esquisses avancées, sont un prodigieux travail. »