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Marie-Charles Dulac

Paris, 1865 – 1898

 

Soleil levant, vers 1896

 

Huile sur papier marouflé sur carton

338 x 290 mm

Signé en bas à gauche : +. M. C. Dulac

 

Charles Dulac fait des débuts modestes chez un fabricant de papiers peints, travaille avec Lavastre, décorateur à l’Opéra de Paris tout en se formant auprès de Gervex, Humbert et Roll. Atteint par la céruse dans les années 1890, il doit abandonner la vie des ateliers et connaît une longue conversion qui le fait s’affilier au Tiers-Ordre de saint François. Commence alors une existence volontairement nomade, d’abord en France dont il rapporte des paysages et des vues d’églises, puis en Italie où il séjourne par trois fois, de 1895 à 1898 : à Ravenne, Sienne ou Florence, il admire les Primitifs des musées et des cathédrales ; à Assise, Fiesole ou au mont Alverne, il va dans les pas de saint François. Homme nouveau, il signe à présent « Marie-Charles Dulac » et surmonte d’une croix le nom de la Vierge. Dulac a des admirateurs fervents, dont Joris-Karl Huysmans, qui, dans La Cathédrale, rend hommage à ses lithographies, la Suite de paysages et le Cantique des créatures, dans lesquelles, « joignant l’idéalisation de la tonalité à la simplification décorative de la ligne et de la facture »[1], il fait du paysage état d’âme un état d’oraison. En 1896, l’exposition organisée chez Le Barc de Boutteville le révèle au public. De retour d’Italie en octobre 1898, il meurt à Paris le 29 décembre. Il laisse inachevée une traduction picturale du Credo.

 

D’Italie, Dulac donne de nombreuses études, qu’il nomme des petits yeux, par lesquels il cherche à faire sentir ce qu’il a lui-même senti: « Ce que je sens, c’est quelque chose qui me vient de quelque part et qui veut aller quelque part; je suis un intermédiaire bienheureux »[2]. Ni fragments de nature comme le peintre impressionniste en saisit, ni visions subjectives comme le symboliste en recrée, ces notations sont des vues de la Création qu’il faut rendre en s’effaçant soi-même devant une signification plus haute. Tout est alors symbole, formes, lignes et couleurs. Comme les pointillistes, ses contemporains, Dulac restreint sa palette aux couleurs du spectre solaire, mais les revêt d’un sens chrétien : au sommet du cercle chromatique, le jaune correspond au Christ en gloire et à la foi; en bas, le violet rappelle sa vie douloureuse et signifie l’humilité[3]. Dans toutes les vues d’Italie, le soleil est ainsi le motif privilégié. Dulac le peint à son lever et à son coucher, au moment, dit-il, « où il est à notre portée ». Notre étude montre un lever de soleil sur les eaux, peut-être exécuté au Monte-Allegro qui surplombe la Méditerranée[4], face à l’un des grands lacs italiens ou devant un simple plan d’eau, Dulac ôtant tout pittoresque aux sites du Grand Tour pour les ramener à l’essentiel: leurs grandes lignes et les éléments, ciel, terre et eau. Ici, la lumière ruisselle, la monochromie ajoute à l’éclat du jaune poussé à son plus haut degré de saturation et la touche divisée rend toute l’irradiation de l’astre qui se lève au centre de la toile ainsi qu’un ostensoir, auréolé des rayons qui le nimbent : lumière née de la lumière.

 


[1] A. Marguillier, « Charles Dulac », La Gazette des Beaux-Arts, 41ème année, 3ème période, volume 21, 1899, p. 328.

[2] R. Louis, o.p., Lettres de Marie-Charles Dulac, Paris, 1904, p. 41 (Nice, le 23 novembre 1895).

[3] Ibidem, Préface, p. XX : « Le peintre n’a garde de négliger les ressources que la couleur peut fournir à son symbolisme [...]. Un de ses amis a conservé un dessin qui permet de se rendre compte de ces principes. Dans un cercle, au centre duquel brille le monogramme du Christ, est inscrite une étoile dont les six branches indiquent les couleurs du spectre, le violet se trouvant en bas ; à chacune de ces couleurs correspondent une vertu et un des mystères de la vie du Christ; au violet, l’humilité et la vie terrestre du Christ ; en haut, au jaune, la foi et la résurrection ».

[4] Ibidem, Florence, le 10 décembre 1895, p.44: «Je m’étais arrêté à Rapallo, et, de là [...] au Monte-Allegro [...]. C’était le lever, puis la journée, les couchers dans la mer» ; Florence, le 8 août 1897, p. 99: « Ainsi, de ce que vous verrez d’Assise, si ces paquets arrivent, c’est, pour ainsi dire, soleil levant ou couchant ».



 
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